Once Again: Une Pellicule pour Toujours

L’été sent la mer et les herbes chauffées par le soleil. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire, mes quatorze ans. Je suis assis sur un vieux banc près de la falaise, là où les vagues s’écrasent avec une colère douce. Tante Mei a posé un gâteau à la vanille sur une table pliante, un peu bancal, avec une bougie qui vacille dans le vent. Elle me sourit, mais ses yeux trahissent une tristesse qu’elle ne dit jamais.

“Fais un vœu, Sia,” murmure-t-elle.

Je ferme les yeux. Que pourrais-je souhaiter ? Une vie sans ce vide qui me suit partout ? Je n’ai presque aucun souvenir d’elle, ma mère, partie quand j’avais deux ans, emportée par une maladie dont personne ne parle. Tout ce qu’il me reste, c’est son vieil appareil photo, une écharpe usée, et des questions sans réponses. Mon cœur murmure avant que je puisse l’arrêter : Je veux te rencontrer. Juste une fois.

Je souffle la bougie. Le monde tremble, comme si le ciel se pliait sur lui-même. Une lumière chaude m’enveloppe, et quand j’ouvre les yeux, le banc est différent, plus lisse, peint d’un blanc éclatant. L’air sent les tournesols et le sel. Une voix m’appelle, claire et douce, comme un souvenir que je n’ai jamais eu.

“Sia ? Tu viens ?”

Je me retourne. Elle est là, debout dans un champ de tournesols, ses cheveux châtains dansant dans la brise. Ma mère. Elle est plus belle que sur les photos jaunies, avec des yeux bruns qui pétillent de vie. Elle tient un appareil photo argentique, ses doigts caressant les molettes usées. Je suis figé, la gorge nouée. Est-ce un rêve ? Une illusion ?

“Tu vas bien, mon cœur ?” demande-t-elle, son sourire si chaud qu’il me fait mal.

Je hoche la tête, incapable de parler. Elle s’approche et me tend l’appareil. “Viens, on va capturer l’été. Tu veux essayer ?”

Mes mains tremblent quand je saisis l’appareil. Il est lourd, avec une odeur de métal et de cuir vieilli. Elle m’emmène au cœur du champ, les tournesols s’inclinant autour de nous comme des géants bienveillants. “Regarde à travers le viseur,” dit-elle. “Tourne la molette jusqu’à ce que le monde soit clair.”

Je colle mon œil au viseur, et tout se rétrécit à ce cadre minuscule. Elle pose devant un tournesol, riant alors que le vent fait voler sa jupe blanche. Mes doigts hésitent sur la molette. Je tourne doucement, ajustant la mise au point jusqu’à ce que son visage soit net, chaque détail gravé dans la lumière. Clic. L’obturateur claque, et quelque chose dans mon cœur s’ouvre, comme une porte oubliée.

Nous passons l’après-midi à chasser les instants. Elle m’apprend à régler l’exposition, à attendre que le soleil caresse les pétales juste comme il faut. “Une photo, c’est une histoire,” dit-elle, essuyant une goutte de sueur sur son front. “Mais c’est toi qui choisis ce qu’elle raconte.”

Chaque clic est un trésor, un morceau d’elle que je peux garder. Mais une question me ronge, tapie dans l’ombre : combien de temps ai-je avant que cet été s’efface ?


Les jours suivants sont un tourbillon de lumière et de rires. Chaque matin, je me réveille dans une maison que je ne reconnais pas, celle où elle vivait avant ma naissance. Les murs sont couverts de photos encadrées : des couchers de soleil, des visages souriants, des instants figés dans le temps. L’odeur de son thé à la camomille flotte dans l’air, et le plancher craque sous ses pas légers. Elle est partout, dans chaque détail, et pourtant, je sens qu’elle m’échappe.

Un matin, elle me trouve dans le salon, en train d’examiner son appareil photo. “Tu l’aimes, hein ?” dit-elle, un sourire taquin aux lèvres. Elle me tend une pellicule vierge. “Aujourd’hui, c’est toi qui choisis ce qu’on capture.”

Je l’emmène dehors, vers un sentier bordé de fleurs sauvages. Le soleil est haut, et l’air vibre du chant des cigales. Nous nous arrêtons près d’un vieux chêne, son écorce gravée de cœurs anciens. “Prends-moi là,” dit-elle, s’appuyant contre l’arbre. Je lève l’appareil, ajuste la mise au point, mais elle secoue la tête. “Non, attends. Cherche quelque chose de plus… vivant.”

Je regarde autour de moi. Une abeille danse sur une fleur, ses ailes scintillant dans la lumière. Je m’accroupis, tourne la molette, et capture l’instant. Clic. Elle applaudit, ravie. “Tu vois ? C’est ça, la magie. Trouver la beauté dans les petites choses.”

Nous passons la journée à explorer, à prendre des photos de tout et de rien : un nuage en forme de cœur, une flaque réfléchissant le ciel, nos ombres entrelacées sur le sol. Elle m’apprend à voir le monde autrement, à chercher la lumière là où je ne l’attendais pas. Mais parfois, je la surprends à s’arrêter, une main sur la poitrine, comme si elle reprenait son souffle. Elle chasse mes regards inquiets d’un rire, mais je sens une ombre grandir.

Ce soir-là, nous nous asseyons sur le porche, les photos étalées entre nous. Elle me raconte comment elle a appris la photographie, comment chaque image était sa façon de dire au monde qu’elle l’aimait. “Et toi, Sia,” demande-t-elle, “qu’est-ce que tu veux dire avec tes photos ?”

Je baisse les yeux, les larmes menaçant. “Je veux dire que je t’aime. Que je ne veux pas te perdre.”

Elle prend ma main, ses doigts chauds et fermes. “Tu ne me perdras pas. Pas vraiment.”


Le temps commence à se fissurer. Les jours semblent plus courts, la lumière plus fragile, comme si cet été n’était qu’une pellicule sur le point de s’épuiser. Elle tousse plus souvent, un son sec qui me glace le sang. Elle balaie mes inquiétudes d’un sourire, mais ses yeux trahissent une fatigue qu’elle ne peut cacher. Je comprends, maintenant : cet été n’est pas un cadeau. C’est un adieu.

Un après-midi, je la trouve sur la falaise, là où j’ai fait mon vœu. Le vent est plus fort, et les vagues s’écrasent avec une urgence nouvelle. Elle tient l’appareil photo, mais ses mains tremblent légèrement. “On devrait prendre une photo ici,” dit-elle. “Quelque chose de spécial.”

Je veux capturer son visage, mais elle insiste. “Pas juste moi, Sia. Nous deux.” Elle installe l’appareil sur un trépied, règle le retardateur, et court vers moi. Elle me serre contre elle, son parfum de lavande m’enveloppant comme une couverture. Clic. La photo nous fige, elle et moi, contre l’immensité de la mer. Je sens son cœur battre contre mon épaule, rapide, fragile.

Nous nous asseyons sur l’herbe, face à l’horizon. Elle me parle de ses rêves, de voyages qu’elle n’a jamais faits, de photos qu’elle n’a jamais prises. Elle parle de moi, aussi, de ce qu’elle espérait pour moi. “Je veux que tu vives, Sia,” dit-elle. “Que tu trouves la beauté, même quand je ne serai plus là.”

Les larmes coulent avant que je puisse les arrêter. “Mais pourquoi tu dois partir ? Pourquoi je ne peux pas te garder ?”

Elle caresse ma joue, ses yeux brillants de larmes qu’elle retient. “Parce que l’amour, c’est aussi apprendre à dire au revoir. Mais je serai toujours là, dans tes photos, dans ton cœur.”

Le soleil se couche, peignant le ciel de rose et d’or. Je prends l’appareil et capture une dernière image de la falaise, de cet instant où nous étions ensemble. Mais je sens le monde trembler, comme si le temps reprenait ses droits.


Les jours s’accélèrent, comme si quelqu’un tournait les pages d’un livre trop vite. Chaque matin, je me réveille avec la peur qu’elle ne soit plus là. Elle est plus pâle, ses pas plus lents, mais elle sourit toujours, comme si elle refusait de laisser l’ombre gagner. Je passe des heures avec l’appareil, ajustant la mise au point, cherchant la lumière parfaite, comme si chaque photo pouvait la retenir un peu plus longtemps.

Un matin, elle me propose une promenade près d’un lac, un endroit où les libellules dansent sur l’eau. Le soleil scintille, transformant la surface en un miroir d’étoiles. Elle s’assoit sur l’herbe, un peu essoufflée, et me tend l’appareil. “Prends quelque chose de beau, Sia.”

Je veux la photographier, mais elle secoue la tête. “Pas moi. Le lac. Les libellules. Quelque chose qui vivra toujours.”

Je m’agenouille près de l’eau, ajuste la molette, et capture une libellule, ses ailes figées dans un éclat de lumière. Clic. Elle sourit, mais ses yeux sont lointains, comme si elle voyait quelque chose que je ne peux pas. Nous restons là, en silence, écoutant le murmure du vent et le bourdonnement des insectes.

“Sia,” dit-elle enfin, “parfois, il faut poser l’appareil et juste vivre le moment.”

Je lâche l’appareil, et nous nous allongeons sur l’herbe, regardant les nuages défiler. Elle me parle de l’amour, de la douleur, de la beauté des adieux. “Un au revoir, ce n’est pas une fin,” murmure-t-elle. “C’est une promesse qu’on s’est aimé.”

Je pleure, mes larmes trempant l’herbe. Elle me prend dans ses bras, et je sens sa chaleur, mais aussi sa fragilité, comme une pellicule sur le point de se déchirer. Le monde autour de nous commence à s’effacer, les couleurs s’estompant comme une photo plongée dans l’acide.


Le dernier jour arrive trop vite. Je me réveille dans la maison, mais tout semble flou, comme si le monde se dissolvait. Elle est là, assise sur le porche, l’appareil photo sur les genoux. Elle est si pâle qu’elle semble faite de lumière. “On devrait prendre une dernière photo,” dit-elle, sa voix douce mais tremblante.

Nous retournons au lac, là où les libellules dansent encore. Le vent est calme, mais l’air est lourd, comme s’il portait le poids de l’adieu. Je saisis l’appareil, les mains tremblantes. Je veux capturer son sourire, son regard, chaque détail d’elle. Elle pose près de l’eau, ses cheveux flottant doucement.

“Attends,” dit-elle. “Fais la mise au point avec ton cœur.”

Je tourne la molette, mes larmes brouillant ma vue. Son visage devient net, son sourire éclatant malgré la fatigue. Clic. L’obturateur résonne, et le monde s’effondre. La lumière m’aveugle, et sa voix s’éteint dans un murmure : “Je t’aime, Sia.”

Quand j’ouvre les yeux, je suis sur le banc, face à la mer. Le gâteau est là, la bougie éteinte. Tante Mei m’appelle, mais je ne bouge pas. Dans mes mains, l’appareil photo, vide de pellicule. Mais dans mon cœur, chaque image est gravée : les tournesols, la falaise, le lac, son sourire. Elle est partie, mais elle est partout.

Votre serviteur, Tomugame

Points Positifs

  • Impact Personnel et Universel
    Le jeu évoque des souvenirs personnels chez les joueurs, en abordant des thèmes universels comme la perte d’un proche. Les avis Steam (91 % positifs sur 824 évaluations) soulignent son pouvoir à faire réfléchir et à émouvoir, même ceux qui ne jouent pas souvent à des visual novels.
  • Bande-Son Envoûtante
    La musique, composée par WeiFan, mêle des sonorités lo-fi et piano, créant une ambiance relaxante et introspective. La voix de la chanteuse taïwanaise Cheer Chen dans les bandes-annonces et à la fin du jeu ajoute une touche émotionnelle mémorable. Les joueurs recommandent de jouer avec un casque pour une immersion totale.
  • Mécaniques Interactives Innovantes
    Contrairement aux visual novels classiques, Once Again intègre des interactions tactiles (ajuster la mise au point, cliquer pour prendre des photos, écrire) qui immergent le joueur dans le rôle de Sia. Ces mécaniques, inspirées de la photographie, sont simples mais efficaces pour renforcer le lien avec l’histoire.
  • Style Artistique Magnifique
    Le jeu adopte un style visuel de bande dessinée dessiné à la main, avec des couleurs douces et des paysages estivaux (champs de tournesols, falaises, lacs) qui renforcent l’ambiance nostalgique. Les illustrations sont fréquemment louées pour leur beauté et leur capacité à transmettre l’émotion.
  • Histoire Émotionnelle et Touchante
    L’histoire centrée sur Sia, un garçon de 14 ans qui rencontre sa mère décédée via un voyage dans le temps, est profondément émouvante. Les thèmes du deuil, de la mémoire et de l’amour familial résonnent fortement, souvent décrits comme un “coup au cœur” par les joueurs. L’inspiration tirée d’une histoire vraie (la perte d’une parente du créateur) ajoute une authenticité rare.

Points Négatifs

  • Durée Trop Courte pour Certains
    Bien que la brièveté soit un atout pour l’accessibilité, certains joueurs regrettent que l’histoire ne soit pas plus longue ou plus développée. Une exploration plus approfondie du passé de Sia ou de sa mère aurait pu enrichir l’expérience.

Once Again: La note de 8.5/10 reflète un équilibre entre les forces et les faiblesses du jeu. Once Again excelle dans sa capacité à livrer une histoire émotionnelle et universelle, portée par un style artistique magnifique et une bande-son immersive. Les mécaniques interactives, bien que simples, renforcent l’immersion et distinguent le jeu des visual novels traditionnels. Ces qualités lui valent des éloges constants, comme en témoignent les critiques "très positives" sur Steam et sa nomination aux SEA Game Awards 2022. Cependant, la courte durée, le manque de rejouabilité, et le développement limité de certains aspects (personnages, mécaniques) empêchent le jeu d’atteindre une note parfaite. Ces défauts, bien que mineurs, peuvent frustrer les joueurs cherchant une expérience plus longue ou complexe. La note de 8.5/10 récompense l’impact émotionnel et la qualité globale tout en tenant compte de ces limites. TomuGame

8.5
von 10
2025-05-03T19:25:57+0200

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